III- L’injection
Il est donc désormais temps d’effectuer notre injection. Nous avons, dans le cas de notre SAVE, environ 28s de prédiction pour rehausser notre apogée à 500km : bien ! Et nous savons qu’une manœuvre s’effectue correctement pile à l’endroit où l’on a configuré notre nœud. Sauf qu’en une demi-minute, on parcourt l’orbite, et on déborde de ce point précis… Eh oui ! Une manœuvre idéale est calculée par le jeu comme la capacité d’injecter toute l’énergie en un bref instant. Ce qu’un module est rarement en mesure de faire, la puissance de ses propulseurs n’étant pas infinie, toute manœuvre nécessite une durée minimale de poussée.
Typiquement, avec un Mainsail (Grand Voile) sur notre petite sonde, nous développerions un TWR (Rapport Poussée / Poids) considérable qui nous permettrait d’effectuer la même manœuvre en 4 secondes, pour coller au plus près de la théorie ! Sauf que ce serait drôlement peu pertinent :
➤ Le Mainsail n’a rien à faire dans l’espace, il n’y est pas très adapté : si l’on dispose d’un TWR suffisant pour écouler plusieurs centaines de m/s en 4 secondes, c’est que l’on embarque un propulseur bien trop puissant avec une ISP certainement perfectible et une masse dissuasive au regard du module. Rappelez-vous, nous avons abordé ces notions dans le tutoriel sur la conception basique d’une fusée.
➤ 4 secondes ?! Comment diable être précis à l’échelle de 4 secondes ? Même en utilisant les touches d’allumage et extinction à 100%, à l’instant où le bas de la jauge sera atteint pour tout couper, l’imprécision sera importante, alors que l’on peut généralement viser moins d’un m/s résiduel dans la jauge, sans souci 😉 Une manœuvre modérément longue n’est pas un problème.
L’idée est simple : répartir la manœuvre de part et d’autre du point, 14 secondes avant, 14 secondes après, pour que la moyenne, le barycentre, se trouve justement au niveau de la manœuvre : logique ! Alors à vous de jouer, c’est parti, on accélère le temps méticuleusement et on commence à 100% de puissance pile à la moitié du temps estimé. Pour rappel, vous avez les touches [W] et [X] pour respectivement couper et allumer les propulseurs à 100% d’un coup, sans phase transitoire.
On prend garde à stopper quand la jauge arrive à la fin, en observant le décompte des m/s : vous pouvez baisser la puissance en approchant du terme, pour être plus précis et ne pas dépasser par mégarde la fin de manœuvre. A la fin, on obtient une belle ellipse qui reproduit assez fidèlement la prédiction : l’apogée devrait être contenue entre 480 et 520km mais sachez qu’il est tout à fait possible de s’approcher d’une précision inférieure au kilomètre ! Essayez d’ailleurs, c’est un bon exercice.
Il est largement préférable de proprement « consommer » une manœuvre (0.2 m/s près) et de terminer en retard en baissant les gaz pour être précis, plutôt que de couper pile au bon moment… Avec plusieurs mètres/seconde résiduel dans la jauge. La baisse de puissance, jusqu’à ne laisser qu’un mince filet de gaz à quelques pourcents, permet également de gérer le décalage de l’indicateur bleu foncé et de le « suivre » pour parfaire l’exécution 😉
Eh oui, ce dernier réagit en temps réel en ajustant sa position en fonction de l’erreur que vous introduisez dans votre manœuvre : ce n’est de la faute de personne, simplement quand on vise pile l’indicateur bleu, en réalité on est forcément un tout petit peu décalé… Et sur une minute de burn, ce décalage peut valoir 1 m/s, parfois plus, parfois moins. En arrivant au bout de la manœuvre, si l’indicateur bleu se décale, vous pouvez le suivre ! Mais pour cela encore faut-il en avoir le temps… Baisser les gaz en fin de manœuvre permet justement d’être assez réactif.
On avait prévu d’agrandir l’orbite entière et non seulement de former cette ellipse, donc on va valider / supprimer l’actuel nœud de manœuvre pour en poser un nouveau au niveau de l’apogée et c’est parti pour une nouvelle configuration permettant de rehausser le périgée autour de 500km également : vous ne devriez avoir besoin de ne toucher qu’au prograde et pas au reste, ‘tention, I’m watching you !
On effectue la manœuvre en se rendant un peu avant le point, on allume les propulseurs à 100% lorsqu’on arrive à la moitié de la prédiction, et on surveille la jauge et les valeurs pour ne pas dépasser Et hop ! Vous voilà en orbite élargie à partir de deux manœuvres successives simples. Avec de l’habitude, c’est une manipulation qui ne vous prendra plus que quelques secondes à chaque fois !
A noter que lorsqu’une manœuvre demande très peu d’énergie, comme par exemple pour une légère correction d’orbite, il est possible d’exploiter quelques astuces pour anticiper une éventuelle imprécision. En effet, qui dit très peu de DV, dit injection très courte, avec la nécessité de grimper à 100% de vitesse, suivre l’indicateur bleu, et couper les gaz, le tout parfois en moins de deux secondes… Voyons comment arranger cela ! Pratiquement tout repose sur un simple petit principe : multiplier le temps de burn en baissant les gaz : si l’estimation est donnée en fonction du dernier burn à 100%… autant réduire à 25% l’injection ! Cela augmente théoriquement la durée nécessaire d’un facteur 4 avec les bénéfices suivants :
➥ Avoir le temps de gérer la fin de manœuvre, à savoir baisser les gaz au plus bas pour ajuster à 0.1 m/s près.
➥ Pouvoir suivre l’indicateur bleu s’il se décale afin d’aller au bout du bout de la manœuvre et ne pas le laisser s’échapper dans la précipitation. Cela vous laisse le temps de gérer la fin de manœuvre, à savoir baisser les gaz au plus bas pour ajuster à 0.1 m/s près.
➥ Montée en puissance plus courte, moins d’imprécision si vous n’aimez pas allumer à pleine puissance directement (question de réalisme et de résistance à l’accélération de certains ensembles fragiles) : le temps de montée en puissance n’est pas compté dans l’estimation, et il faut plus d’une seconde, normalement, pour atteindre les 100%, pas négligeable ! A 25% de puissance max, ce seuil est atteint bien plus rapidement, de même pour la coupure progressive. Mais là, on cherche les détails.
En bref, retrouver le temps d’effectuer une bonne manœuvre précise, même quand elle est terriblement courte. Cette « méthode » sera suffisante dans 90% des cas, tout à fait valide et pertinente, pas d’inquiétude. Mais on peut aller encore un peu plus loin…