I- Le Contexte
Pour rejoindre l’espace, il n’y a pas trente-six solutions de nos jours : la fusée conventionnelle, celle que l’on connait depuis plusieurs dizaines d’années déjà, n’a pas beaucoup évolué et aucun changement de paradigme n’est à envisager avant un certain temps… Si KSP permet de mettre la main sur quelques SSTOs (Lexique) avant-gardistes et fonctionnels, il s’avère toutefois nécessaire de maitriser les lancements classiques afin d’en tirer le meilleur parti et de hisser tout là-haut, vos désirs de charges utiles les plus fous ! Toutefois, les veilles méthodes de mise en orbite, encore partagées il y a moins d’un an, n’ont plus grande pertinence aujourd’hui : exit les ascensions verticales, puis inclinaison de 45° à 10000m ! Il faut maintenant procéder au sacro-saint Gravity Turn, ou tenter de s’en approcher au mieux.
Et pour commencer, rien de tel que de chercher à comprendre ce qui permet à un objet de rester en orbite stable, via l’expérience de pensée d’un certain Isaac Newton : imaginez un canon, placé au sommet d’une montagne, disons… L’Everest, toit du monde ! Ce canon serait orienté parallèlement au sol, c’est-à-dire qu’il ne pointe ni vers le ciel, ni vers le sol, mais « bien en face », localement. En mettant une petite quantité de poudre et en procédant à la mise à feu, on observerait quelque chose de relativement attendu : le boulet forme une parabole, qui le rappelle au sol. En offrant un peu plus de poudre au dispositif, le boulet part plus vite, va plus loin, mais finit tout de même par rattraper le plancher des vaches. Mais que se passe-t-il si l’on ajoute vraiment beaucoup de poudre ?
Vient un moment ou la forme de la parabole de chute du boulet « épouse » la courbe de la terre : c’est-à-dire qu’il tombe, c’est indéniable, mais que le sol se dérobe sous lui à mesure qu’il progresse. C’est étonnant, mais c’est ainsi : sans atmosphère, c’est-à-dire sans frottement de l’air qui occasionne des pertes, un boulet de canon qui serait tiré avec une puissance suffisante (donc avec une vitesse de sortie importante) pourrait définir une orbite à 8000m d’altitude, et revenir au point de départ une révolution plus tard ! Et ainsi sans avoir eu besoin d’ajouter de la composante verticale, simplement en partant d’un point haut, celui de l’Everest, à priori sans obstacle possible.
Une orbite, c’est cela : tomber continuellement dans une direction, avec le sol qui se dérobe en permanence, si bien que jamais plus l’objet ne touche le sol. Dans les faits, la Terre ainsi que Kerbin et bien d’autres astres, disposent d’une atmosphère et cette dernière freine n’importe quel objet en mouvement, il est donc capital de s’extraire de cette contrainte pour définir une trajectoire qui demeure stable au cours du temps, c’est pourquoi les fusées ont besoin de grimper verticalement avant de faire comme le canon et de pousser à l’horizontal pour gagner en vitesse. Maintenant que nous venons de voir les éléments de bases permettant de définir une orbite, il reste à l’atteindre, à gagner la bonne altitude et la bonne vitesse… Et cela ne se fait pas au hasard.
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Cette vitesse, d’ailleurs, de combien est-elle ? Et est-elle toujours la même ? Deux questions qui vont nous permettre d’introduire une nouvelle notion et un élément de vulgarisation qui parlera à la plupart : l’effet centrifuge. Sans être une force à proprement parlé, cet effet est simplement celui que l’on ressent lorsque, dans un virage en voiture et à bonne vitesse, on se sent expulsé vers l’extérieur, plaqué à la portière ou à votre voisin(e) malheureux(se). Il faut y voir la manifestation de l’inertie, c’est-à-dire le fait que votre corps allait tout droit, à 80km/h, et que soudainement le véhicule lui impose de prendre un virage serré : la voiture à un contact important avec la route, elle y adhère et va suivre le chemin mais vous, vous balancez un peu à l’intérieur, votre corps avait de l’énergie « dirigée vers l’avant » et l’inertie caractérise le fait de s’opposer à un changement de direction, un changement de vitesse. Il continue de vouloir aller dans la direction d’avant le virage, et mettra un certain temps à « consommer » cette inertie : la porte absorbera cette énergie, en offrant un contact qui vous permet de rester dans le véhicule et de ne pas être éjecté au dehors, par « réaction ».
De fait, le boulet de canon devrait aller tout droit en sortie de canon, mais la gravité le rattrape un peu vers le bas, courbant sa trajectoire. L’effet centrifuge se fait alors sentir, et lui donne une composante vers l’extérieur de la courbe, c’est-à-dire vers le ciel : lorsque les deux paramètres s’équilibrent, c’est une orbite, avec un objet qui tombe en permanence, tout en ayant pile l’effet centrifuge pour compenser et le « tenir en l’air ». Et cet équilibre n’est obtenu qu’avec un seul et unique paramètre : la vitesse ! Ainsi, plus elle est élevée, plus l’effet centrifuge est important.
C’est-à-dire qu’une théière, un semi-remorque ou l’ISS auront la même vitesse, sur la même orbite, cela est indépendant de la masse de l’objet, ce qui peut sembler contre-intuitif pour certain. En revanche, à chaque orbite sa vitesse précise ! Un objet orbitant à une altitude basse, sera soumis à une gravité importante : il est alors nécessaire que l’effet centrifuge soit à la hauteur et donc que la vitesse soit élevée. Il faut par exemple compter environ 2300 m/s à 80000m autour de Kerbin. En revanche, plus haut, le champ de pesanteur est plus faible et l’équilibre des forces se trouve à vitesse plus réduite : c’est ainsi que Mun orbite à moins de 550 m/s et ne tombe jamais !
S’il fallait véritablement faire le tour de la théorie qui décrit une orbite, il serait impossible de ne pas mentionner la Relativité Restreinte puis Générale, développées par un certain Albert Einstein… Ne partez pas ! C’est un changement de référentiel qui nous fait sortir d’une approche Newtonienne basée sur un jeu de forces, et qui vient plutôt montrer que concernant la gravité et ses effets, il faut davantage y voir une déformation de l’espace-temps qui courbe la trajectoire des objets : les mobiles soumis à un champ gravitationnel se voient ainsi aller en ligne droite… Dans un espace courbe. Effectivement, ce n’est pas quelque chose que nous pourrons convenablement détailler ici, mais sachez que c’est ce modèle qui est actuellement le plus fiable, globalement accepté par la communauté scientifique, et détrônant le modèle Newtonien / Galiléen que l’on réservera aux observations aux échelles et vitesses plus contenues, là où sa validité expérimentale n’est pas remise en cause et apporte une précision satisfaisante.